Le 20 mars dernier, la France et le Luxembourg ont signé une nouvelle convention fiscale (la « Convention »). Ce nouvel accord s’inscrit dans la tendance des développements issus du projet BEPS (« Base Erosion and Profit Shifting » – érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices) à l’initiative de l’OCDE (« Organisation de Coopération et de Développement Economiques »). Cette renégociation et refonte totale de la convention conclue en 1958 (ayant fait l’objet de 4 avenants successifs) marque une volonté d’intégration des nouveaux standards fiscaux internationaux et de mise en conformité avec le nouveau modèle élaboré par l’OCDE en 2017.

Le Luxembourg et la France ont entamé la procédure interne de ratification propre à chaque Etat. La finalisation de celle-ci pourrait dès lors être une question de semaines si bien que la convention devrait, selon toute vraisemblance, être applicable au 1er janvier 2019.

  1. Aperçu des principales mesures

L’objectif principal de cette Convention de non double imposition est évidemment la résolution des situations de double imposition potentielles dans un contexte transfrontalier, mais pas uniquement. L’esprit du texte est également clairement de lutter contre des situations de non-imposition potentielles via des doubles exemptions notamment. A cet égard le préambule pourrait servir à l’interprétation des dispositions des différents articles.

En outre et de façon inhabituelle, elle a été assortie d’un protocole revêtant une importance nouvelle et faisant la part belle aux mesures anti-abus.

  1. Mécanismes d’élimination de la double imposition

La méthode d’élimination de la double imposition prévue par la Convention est la méthode du crédit d’impôt (méthode de l’imputation) et remplace la méthode actuelle de l’exemption.

La méthode de l’exemption est une méthode d’élimination de la taxation dans une situation de potentielle double imposition. Par exemple, dans le cas d’un revenu provenant d’un Etat et servi à un résident d’un autre Etat, la convention règlera lequel des deux Etats est compétent pour taxer le revenu. Dans cette situation, le Luxembourg prévoit généralement une exemption totale de taxation du revenu s’il n’est pas désigné compétent par la convention de non-double imposition.

La méthode du crédit d’impôt ou méthode de l’imputation quant à elle, ne prévoit pas d’exemption c’est-à-dire que pour un revenu provenant d’un Etat et servi à un résident d’un autre Etat, la convention règlera lequel des deux Etats est compétent pour taxer le revenu. L’Etat compétent pour taxer le revenu le taxera effectivement. Par contre, le deuxième Etat ne perdra pas le droit d’imposer. Le revenu en question entrera dans la base taxable de la personne dans le deuxième Etat et cette personne bénéficiera d’un crédit d’impôt correspondant à l’impôt déjà payé dans le premier Etat.

Cette méthode est moins avantageuse que la méthode de l’exemption et peut amener à une double imposition résiduelle.

Si pour la France la méthode de l’imputation est généralement celle reconnue par le droit interne, cette méthode est moins commune pour le Luxembourg qui applique plus volontiers la méthode de l’exemption.

Cette nouvelle méthode prévue par la Convention peut avoir des implications à différents niveaux, notamment pour les travailleurs frontaliers français, pour les résidents recevant des dividendes non-éligibles au régime mère-filiale de droit interne (ex. dividendes distribués par un OPCI – Organisme de Placement Collectif Immobilier – à une Soparfi – Société de Participations Financières), ou encore pour les résidents français bénéficiaires de tantièmes luxembourgeois.

2. Définition de la résidence et accès à la Convention

Jusqu’à présent le concept de résidence pour les personnes morales reposait principalement sur les notions de « centre effectif de direction » et « de siège social ».

Pour pouvoir bénéficier des dispositions de la Convention, il sera nécessaire d’être assujetti à l’impôt de manière effective. Une exonération ou un taux très bas pourront justifier le refus de la qualité de résident au sens de la Convention. De ce point vue, rien de surprenant, cela ne fait que reprendre les interprétations modernes de la notion de résidence ainsi que la jurisprudence récente du Conseil d’Etat français.

Le paragraphe 2 du protocole de la Convention prévoit toutefois un accès aux bénéfices des dispositions concernant les dividendes et les intérêts pour les OPC (« Organismes de Placements Collectifs ») établis dans un Etat contractant, assimilés aux OPC de l’autre Etat (sur la base du droit interne de celui-ci) à hauteur des droits détenus par des personnes résidentes de l’un des deux Etats ou de toute juridiction ayant signé une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. 

3. Dispositifs anti-abus

La rédaction de cette nouvelle convention traduit une volonté claire de limiter tout usage abusif de ses dispositions. Ainsi, en parallèle de la notion d’abus de droit prévu par le droit interne de chaque Etat, ce nouvel accord reconnait l’abus conventionnel et permet aux Etats contractants de refuser l’accès à la convention pour les structurations ayant pour objectif principal l’accès aux bénéfices conventionnels.

Par le biais de l’insertion de cette règle de Principal Purpose Test (« PPT »), la nécessité de justification économique à la structuration transfrontalière se trouve renforcée.

4. Définition de l’établissement stable

Ici encore, la Convention élargit la notion d’établissement stable en prévoyant qu’un agent dépendant agissant pour le compte d’une entreprise située dans l’autre Etat même sans pouvoir de signature pourra être constitutif d’établissement stable s’il est reconnu qu’il a joué le rôle principal permettant la conclusion du contrat. Son rôle devra se limiter aux activités préparatoires et auxiliaires. Cette nouvelle disposition est d’une grande importance pour les banques et les compagnies d’assurances agissant en libre prestation de service.

5. Fiscalité sur la fortune

Conformément au nouveau modèle OCDE, les biens immobiliers faisant partie de la fortune d’un résident seront imposables dans l’Etat de situation du bien.

A la lecture combinée des articles 6 et 21, la Convention pourrait permettre d’exonérer d’IFI (« Impôt sur la Fortune Immobilière ») un résident luxembourgeois détenant des biens en France à travers une société.

6. Traitement des plus-values de cession

Les plus-values issues de la cession de titres de société à prépondérance immobilière restent, sans modification par rapport à l’avenant de 2014, imposables dans l’Etat de situation des biens. La nouveauté apportée par la Convention porte sur le fait, qu’à présent, l’analyse du caractère de prépondérance immobilière s’appréciera à tout moment lors des 365 jours précédant la cession.

Autre point important : les plus-values issues d’une cession réalisée par une personne physique détenant directement ou indirectement plus de 25% du capital d’une société résidente d’un Etat contractant sont imposables dans cet Etat si le cédant a été résident de cet Etat à un moment quelconque au cours des cinq années précédant la cession. Il sera intéressant de suivre l’articulation de cette disposition conventionnelle avec la modification de l’ « exit tax » française telle qu’elle sera adoptée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.

7. Elargissement de la notion de « dividende »

Sur base de la Convention, la notion de dividende est élargie à tout ce qui est soumis au régime des dividendes dans l’Etat de résidence de la société distributrice. Par conséquent, les revenus réputés distribués et autres bonis de liquidation entreront pleinement dans le champ de la notion de dividendes prévue par la Convention.

La retenue à la source de 15% prévue par l’article 10 reste similaire à celle prévue par l’ancienne convention. La Convention permet par ailleurs l’exonération de la retenue à la source sur les dividendes versés par à des sociétés résidentes détenant sur une période de 365 jours au moins 5% dans le capital social de la société débitrice du paiement.

La nouveauté vient du côté des dividendes distribués par certains véhicules d’investissement immobilier tels que les SIIC (« sociétés d’investissement cotées ») ou les OPCI  (« organismes de placement collectif immobiliers ») qui se verront appliquer une retenue à la source plus lourde. Ainsi, une retenue à la source de 15% sera due sur les dividendes versés par de tels véhicules lorsque le bénéficiaire effectif détient directement ou indirectement une participation de moins de 10% du capital et de 30% lorsque la détention dépasse ce seuil.

8. Intérêts

Les revenus d’intérêts ne seront plus soumis à la retenue à la source là ou l’ancienne convention prévoyait une retenue limitée à 10%. Il convient toutefois de noter que la Convention exclut expressément de ce régime les intérêts excédentaires (qui ne respectent pas le principe de pleine concurrence).

  1. Les enjeux de la nouvelle convention au regard de l’assurance-vie transfrontalière

Sur la base des développements ci-dessus, il est intéressant de noter que la nouvelle convention est en général plus restrictive et moins avantageuse pour les résidents des deux Etats.

L’impact de celle-ci sur certaines structurations immobilières pourrait être important. En effet, si le droit d’imposition appartient toujours à l’Etat de situation de l’immeuble, l’Etat de résidence conservera malgré tout son droit d’imposition et la double imposition sera quant à elle éliminée grâce à un crédit d’impôt en France.

Par contre, cette nouvelle convention traite peu du régime de l’assurance-vie transfrontalière et est même bénéfique pour les preneurs français ayant investi judicieusement dans des polices d’assurance-vie comme celles proposées par OneLife.

En effet, ceux-ci pourront profiter de l’effet de groupe (la multitude de preneurs investissant via OneLife) au regard de la taxation à la source des revenus des polices d’assurance notamment via :

  • L’intégration d’un régime semblable au régime mère-filiale au niveau de la convention qui permet une exonération totale de retenue à la source pour les dividendes versés sur les polices d’assurance-vie ;
  • de la conservation du taux réduit de retenue à la source pour les dividendes ordinaires ne pouvant pas bénéficier du régime mère-filiale ci-dessus ;
  • de la suppression de la retenue à la source pour les intérêts versés sur les polices d’assurance-vie.

Ces dispositions renforcent encore l’attrait de l’assurance-vie luxembourgeoise par rapport à d’autres mécanismes de structuration de patrimoine notamment au regard de l’immobilier mais pas seulement.

Enfin, l’assurance-vie bénéficie d’un atout supplémentaire au regard des dispositions anti-abus car elle est à la fois un élément de transmission patrimoniale ayant en plus un régime fiscal attractif.

 

Veuillez noter que les développements ci-dessus constituent un simple aperçu d’une partie des dispositions de la nouvelle convention franco-luxembourgeoise et que l’impact pratique de ces mesures devra être analysé au cas par cas.  Les experts de OneLife se tiennent à votre disposition pour toute question.

 

Auteurs :

 Fanny PERPERE – Wealth Planner 

 Jean-Nicolas GRANDHAYE – Corporate Counsel